Parfois, il me manque cet ami qui n'a jamais existé.
Pourtant, dans le passé, nous nous sommes croisés plusieurs fois. Je l'ai serré dans mes bras et carressé à travers une peluche, je l'ai absorbé de plusieurs livres, j'ai voulu le matérialiser derrière un écran...Et tout au long de ma petite existence il a dû tourbilloner autour de moi sous formes d'infimes poussières pour enfin se fixer dans mon esprit. Je crois que j'aimerai lui offrir une enveloppe charnelle à présent. Bien sur, il y a ceux qui, entrevoyant l'ombre du petit prince de mes esprits, croient le connaître et l'aimer et lui offrent leur être à incarner pour mieux me plaire. Mais ce n'est qu'aménagement superficiel de leur personne, une volonté de se laisser guider dans un jeu dont ils ignorent les règles. J'ai de la sympathie pour eux, de la reconnaissance tintée d'une pointe de condescendance...
Il ya ceux aussi qui ignorent tout de lui mais possèdent, à leur insue, des territoires communs aux siens ou des richesses qu'il convoite. Mon petit prince doit alors user de formes détournées pour s'adresser à eux. Ils les aiment profondément, ceux-là. Et moi aussi d'ailleurs, ils sont si passionants à visiter... Mais il y a des jours où mon prince aimerait être prince. Peut-être aspire t-il à un pacte spécial qui l'unirait au souverain d'une terre voisine sur laquelle il pourrait exercer son empire tout en cèdant la sienne à ce nouvel allié. A t-on jamais vu cela dans notre passé monarchique ! Pourtant c'est ce que j'aimerai... Comme les jouets incarnent les histoires des enfants, j'aimerai avec cet ami incarner les folies des souverains de nos penssées.
L'idéal et la réalité sont deux mondes à part me direz vous. Oui, c'est vrai, je semble prétendre abriter en mon esprit un monde meilleur que nous l'offre la réalité. Après tout, qui ne le prétend pas... Peut-être, tout simplement, n'aurai-je jamais dû laisser grandir en moi ce poison d'idéal, éternel rival de tous les êtres que j'aimerai. Mais il est trop tard pour avorter de cet amas de rêves et d'idées qui, à présent ont germés, et ce sont faits gouvernail de toute ma personne. Quel despotisme exerce un prince capitaine sur un individu ! Pourtant je suis confiante. Je sais que je le possède : bien que toujours présent en moi, il n'est qu'une image maléable qui ne se nourrit que de ce que mes cinq sens veulent bien lui offrir. Pas si éloigné du réél mon petit prince... Après tout, tant qu'il ne me demande pas de lui dessiner un mouton...