Vendredi 26 février 2010 à 19:32

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Dans cette beauté lunaire, presque maladive de pâleur, il y avait quelque chose qui aimantait mes yeux et faisait perdre à mon corps la sensation terrestre de la pesanteur.
   Je sentais trop bien comme il était facile de se perdre, dans cette attraction sublime, pour moi que les balises lourdes et stables retenaient si peu au sol des réalités, pour moi qui slalomais en titubant sur les chemins les plus droits.  Mais je cédais, irrésistiblement, à cette contemplation qui m'arrachait au monde, comme à une mauvaise drogue.  
   Je sentais le plaisir douloureux d'un néant intérieur tandis que le gouffre de mes yeux n'était plus habité que par cette lumière particulière.


   Comment pouvais-je condamner l'exigence cruelle d'un être dont la seule contemplation nécessitait le sacrifice de soi, alors que l'ordre émanait de lui comme une aura, sans que l'harmonie de son visage lunaire fut altéré par la moindre parole? Le sentiment d'injustice, d'immense perte, luttait à coups vains contre la fascination émue que j'éprouvais en regardant ce pierrot superbe, ignorant de tous vils reproches et de tous sentiments bas.
   En le voyant ainsi évoluer dans cet étrange univers gracieux qui semblait danser autour de lui et que je ne pouvais toucher ni comprendre, je ressentais cette joie triste qu'éprouvent ceux qui regardent un enfant dont l'aura angélique les ignore, et dont les yeux, voilés d'imaginaire, ne voient que ce monde merveilleux qu'ils construisent pour eux seuls.

Mardi 23 février 2010 à 11:24

 

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Après avoir couru les dernières pages, j'ai claqué comme une porte ce livre ouvert, et j'écoutais derrière le battant les mêmes coups déjà que j'avais entendus avec indifférence. Dans le silence lourd d'une immense solitude ils m'apparaissaient d'une ampleur telle qu'ils remplissaient l'espace d'une matière consistante, trop envahissante.

Ivre de tintamarre, il y avait une époque ou j'avais oublié le poids des mots.

Je me sentais piégée, assiégée de ces coups incessants qui n'étaient pas le vague écho d'un monde de poussière, le mugissement lointain d'une fiction qui meurt, mais bien le choc immédiat de tes poings sur la matière, l'emportement de ton coeur trop proche de ma poitrine.

Et j'ai réalisé comme en ce lieu que je croyais des nimbes inaccessibles je n'étais en fait à l'abris de rien, comme aucun rêve de m'appartenait lorsque, couché sur le papier, il était le point de rencontre de milles yeux. Et je retrouvais les tiens.

Avec effroi je vis se déchirer ce petit monde de marionnettes et de papier dont je suivais l'histoire, et apparaître des yeux brûlants de vie, trop bien connus, pour lesquels je faisais moi même office de spectacle. Je croyais t'avoir endormi, t'avoir étouffé, parmi ces pages, comme on conserve de vieux pétales morts, dépouillés des parfums dangereux et enivrants. Je croyais avoir confondu entre les pages ta chair trop vivante avec le papier. Et voilà que tu resurgis avec la violence d'un mort qui se relève et que je me trouve en face de toi et en face de mon crime. Cette vieille passion me sautait au corps avec l'obscénité d'une bête acharnée. Elle sortait de ce cercueil, de cette oeuvre d'art, où j'avais magnifié son souvenir. Là où jadis nos échanges étaient des poésies vagues, tu ne trouvais en l'instant que des insultes et moi des cris rauques.

 Cette affection usée, que j'avais cru avoir lu quelque part, que j'avais cachée entre les lignes de ce rêve qu'ensemble nous avions parcouru, nous ne l'avions sans doute jamais vécue autrement que dans cette bestiale morsure du souvenir.

Vendredi 19 février 2010 à 13:51



 Cent ans après, je nais.
Et c'est finalement dans cette infime parenthèse d'une vie qui, à la manière d'une allumette, éclaire pour quelques secondes tout ce qui l'entoure que le saisissement prenait aux tripes, ce saisissement vertigineux d'une lucidité brutale et éphémère.

Lundi 8 février 2010 à 16:26


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Les choses les plus belles m'arrivaient filtrées pas sa voix  grossière, ambroisie frottée à des cristaux de sels sales, elles avaient ce goût écoeurant de l' infiniment gâté.

Je voyais filer dans les trous vides de ses yeux cette rivière sacrée qui disparaissait brusquement en lui sans que l'on put suivre le cours de ses bienfaits. Engluée dans les lourdeurs de son être, méconnaissable, elle devenait ce fluide pâteux, battu par les claquement lents de sa langue.
Je ne sais s'il se pensait sincèrement comme l'intermédiaire transparent entre nos gosiers asséchés et l'abondante pureté, ou s'il se savait sciemment ce monstre pompant, parasite dégoûtant; s'il jouissait d'une ivresse secrète dont il ne laissait rien paraître, ou si trop difforme dans les lourdeurs inhumaines de son corps et de son esprit, il s'efforçait laborieusement de mimer avec les balbutiements de son cerveau, ce que les coeurs emballés d'autres lui avaient dictés.

Sans cesse mon imagination se heurtait à ses propres limites et ne pouvait concevoir que  tant de laideurs du corps et de l'esprit conjuguées  puissent sentir l'éveil en elles même du beau. 

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