Dans cette beauté lunaire, presque maladive de pâleur, il y avait quelque chose qui aimantait mes yeux et faisait perdre à mon corps la sensation terrestre de la pesanteur.
Je sentais trop bien comme il était facile de se perdre, dans cette attraction sublime, pour moi que les balises lourdes et stables retenaient si peu au sol des réalités, pour moi qui slalomais en titubant sur les chemins les plus droits. Mais je cédais, irrésistiblement, à cette contemplation qui m'arrachait au monde, comme à une mauvaise drogue.
Je sentais le plaisir douloureux d'un néant intérieur tandis que le gouffre de mes yeux n'était plus habité que par cette lumière particulière.
Comment pouvais-je condamner l'exigence cruelle d'un être dont la seule contemplation nécessitait le sacrifice de soi, alors que l'ordre émanait de lui comme une aura, sans que l'harmonie de son visage lunaire fut altéré par la moindre parole? Le sentiment d'injustice, d'immense perte, luttait à coups vains contre la fascination émue que j'éprouvais en regardant ce pierrot superbe, ignorant de tous vils reproches et de tous sentiments bas.
En le voyant ainsi évoluer dans cet étrange univers gracieux qui semblait danser autour de lui et que je ne pouvais toucher ni comprendre, je ressentais cette joie triste qu'éprouvent ceux qui regardent un enfant dont l'aura angélique les ignore, et dont les yeux, voilés d'imaginaire, ne voient que ce monde merveilleux qu'ils construisent pour eux seuls.