Je suis sur le quai de la gare, les miens aussi. On est là, on fait des signes, on embrasse, on remercie, et on regarde s'éloigner ces visages là, les seuls qui nous sont familiers. Les seuls qui existent, finalement au milieu de la foule. Après on est triste et content, c'est ridicule, comme quelqu'un qui a accomplit une mission. Je ne sais pas, ça fait toujours ça. Et on dit "nous voilà tout seuls maintenant", mi-mélancolique mi-souriant- alors qu'on est quand même 5-.
Mais, jamais on imagine, jamais on pense, que le train est un démon machiavélique qui nous arrache ceux qu'on aime. Ne plus faire confiance à la SNCF?! Quelle horreur! A quoi bon vivre alors? Et pourtant... On le sait, on se le dit à voix basse, il ne faut pas en parler.
Il y a ceux qui pleurent sur le quai de la gare car il ne savent pas. Et nous on est là. On sait. Mais personne ne nous a appris comment faire. Comment faire face. Ca ne s'apprend pas. Alors on fait tous comme si c'était une chose banale: "faire bonne figure". On les laisse partir, le sourire aux lèvres.
J'ai oublié de dire quelque chose je le sais. C'est trop tard, on ne court pas après le train. Et pourquoi faire...?
J'aurai voulu dire quelque chose que je pense vraiment, et qu'ils comprennent, qu'ils puissent l' emporter avec eux. J'aurai voulu faire quelque chose d'héroïque, je ne sais pas... Mais ce qui est héroïque sonne comme tragique, alors je me contente de cette platitude extrême, bien plus décente. Et j'ai des regrets. Voilà, j'ai des regrets, les seuls voyageurs fidèles d'une mémoire qui malheureusement, me déraillera pas.