Peut-être que j'en attendais moins... Enfin est-ce qu'on peut dire cela. Pas moins seulement qu'on me laisse avancer, qu'on nous laisse avancer. Découvrir avec des yeux émerveillés, qui cherchent à tout capturer mais n'y arriveront jamais. Que quand je me couche le soir, je puisse penser à tel détail qui est un mystère, un drôle de hasard jamais résolu et qui flotte encore dans la tête, comme une chose vaine à découvrir.
J'ai pu me noyer dans ces jungles fertiles conçues dans les moindres détails par ce créateur virtuose, et qui sentent toujours, après des années, le parfum capiteux de la complexité vrai.
Vous m'avez déçu. C'est une infime déception mais c'est bien de cela qu'il s'agit.
Certes je salue le talent du créateur, le noyau poignant, le langage fin, ses idées profondes, ses petits jeux d'esprit.
Ce qui est aussi ce que je condamne.
Mais laissez-nous avancer merde! Tout ce qu'il crée il l'offre sur un plateau, il le montre, il le glorifie.
Un cheval de course qui se flatte lui même les flans ! A t-on jamais vu ça?
Ce qui est admirable dans la course c'est le corps du cheval qui se jette, éperdu vers un but singulier et imaginaire et qui oublie les lois de l'apesanteur.
Et ce monsieur qui, malgré lui, toujours nous ramène à la lourdeur, sans laisser jamais aucune possibilité d'envol.
Mêmes ceux qu'il a créé, intrigants, singuliers personnages; pourquoi faut-il qu'il les barbouille sans cesse de traits plus grossiers pour signifier leur rôle, qu'il leur fourre dans la bouche ses petits aphorismes, ses petites phrases moralistes tellement littéraires et qui sonnent si faux. De pauvres marionnettes grotesques. Voilà ce qu'il en a fait et je le regrette.
Je reconnais pourtant comme je suis partiale et avec quelle rigueur je juge celui qui suit le virtuose et que je n'hésite pas à qualifier de médiocre. Mais celui qui n'est pas virtuose n'a pas le droit de prétendre à l'art et surtout d'appeler par lui la postérité par quelques sentences qui se veulent cyniques et puissantes.